Le vendredi 1er septembre, au matin, un cadavre de lièvre déchiqueté est découvert sur la table d’alimentation, parmi les refus d’un bol mélangeur désilé la veille pour un lot de 96 vaches dans un cheptel de 180 vaches laitières dans le sud de la Manche.
Dès le lendemain, parmi ces 96 vaches, plusieurs meurent, subitement pour les 1ers cas, puis après apparition de signes de paralysie de l’arrière-train pour les suivantes. Une semaine après la distribution de cette ration, 77 vaches sont mortes.
91 vaches laitières mortes en tout à la mi-septembre : le Botulisme fortement suspecté
Le Botulisme, fortement suspecté (cf. encadré « les signes cliniques du Botulisme »), est lié à l’ingestion de la neurotoxine botulique, un des plus puissants poisons connus au monde. Cette toxine est secrétée par Clostridium botulinum (cf. GDS Manche de mars 2022), avec des souches différentes de celles pouvant affecter l’Homme. Cette bactérie résiste très longtemps dans l’environnement sous forme de spores, et peut transiter dans l’intestin des animaux. Dans un cadavre en décomposition, les spores trouvent alors des conditions favorables. Elles germent ainsi en une forme végétative capable de sécréter cette toxine qui bloque l’influx nerveux des vaches intoxiquées. Les ensilages d’herbe ou de maïs constituent également des milieux anaérobies (absence d’oxygène) favorables au développement de l’agent du Botulisme. Pour en savoir plus sur cette maladie : cliquez ici.
Parole d’éleveur :
Horrible ! Difficile de trouver un autre mot ! Voir ses animaux tomber les uns après les autres sans pouvoir faire quoi que ce soit …on n’a pas signé pour ça ! Et se dire qu’un simple lièvre dans une botte de paille peut faire autant de dégâts ! Dans notre malheur, heureusement que nos bâtiments et notre bol mélangeur nous imposent une conduite en lot, sinon, nous aurions perdu toutes nos vaches…. Il va falloir maintenant se remettre économiquement d’une telle hécatombe, d’autant que ces 91 vaches étaient au pic de production, dont une cinquantaine de gestantes. Grâce à nos négociants, des achats de bovins sont déjà en cours et bientôt la stabu sera de nouveau pleine. On va pouvoir reprendre notre routine, petit à petit. Ce que l’on retiendra surtout, c’est la bienveillance des collègues et voisins, leur soutien. Nous soulignons particulièrement les compétences et la réactivité de notre vétérinaire dans son diagnostic. Nous souhaitons aussi remercier collectivement le service d’équarrissage, notre assurance, notre technicien de laiterie ainsi que l’équipe du GDS 50 ».
Propos recueillis par Nicolas MARTINE, conseiller sanitaire GDS 50.
Hécatombe et impuissance… mais des mesures préventives
Comment prévenir le Botulisme ?
La prévention du Botulisme repose essentiellement sur le respect des mesures de biosécurité en élevage :
- Proscrire l’élimination des petits cadavres (volailles, rats, pigeons, avortons, etc.) dans le fumier. Utiliser une cloche à cadavre avant le ramassage par les services de l’équarrissage d’un veau mort ou d’un avorton, congeler les cadavres de volaille avant leur enlèvement, enfouir ceux des petits animaux (rats, pigeons, etc.) dans un trou avec de la chaux vive.
- Retirer rapidement, le cas échéant, les cadavres de petits animaux découverts dans l’aliment ou dans un puits (ex : un cadavre d’oiseau ou de chat ou de rat noyé dans une tonne à eau, un abreuvoir ou retrouvé mort dans le concentré).
- Éviter l’épandage de fumier de volailles sur les pâtures, ou dans leurs voisinages, voire sur les parcelles de végétaux destinées à être ensilées ou enrubannées, surtout si les cadavres de volailles n’ont pas été rapidement retirés. Une mauvaise gestion de ces cadavres favorise, outre le danger représenté par le fumier, le risque de dispersion de ces cadavres par des chiens ou des renards, qui ont tendance à camoufler les restes, parfois dans une balle de foin ou dans le silo.
- Proscrire le nettoyage d’une remorque ayant transporté un fumier de volaille à proximité d’une pâture ou d’un silo.
Et lors de corvée d’ensilage ?
- Être vigilant afin de ne pas piéger du gibier dans l’ensileuse. La mise en place de barres d’effarouchement à l’avant du tracteur (avec des chaines suspendues jusqu’au sol) diminue ce risque.
- Ne pas récolter les plantes dans un rayon de 5 mètres autour d’un cadavre repéré dans la parcelle avant le passage de l’ensileuse,
- Si un animal a été avalé par l’ensileuse ou l’autochargeuse, ne pas vider la remorque dans le silo.
- Si des morceaux de cadavres sont découverts lors de l’ouverture d’une balle enrubannée, détruire cette balle.
La vaccination en urgence des lots de bovins ayant consommé un aliment suspecté d’être contaminé est conseillée. Demandez conseil à votre vétérinaire traitant.
Les signes cliniques du Botulisme :
Une fois la toxine (ou les spores) ingérée par les bovins, et après une incubation moyenne de à 2-3 jours (de quelques heures à 18 jours selon la quantité ingérée), les animaux concernés présentent des signes de paralysie flasque :
- Perte d’appétit, abattement ;
- Démarche vacillante, chute, puis le bovin reste couché ;
- Difficultés pour mastiquer, pour avaler ;
- La langue peut rester pendante à l’extérieur de la bouche;
- La température reste normale.
Dans la plupart des cas, les signes évoluent progressivement vers la mort par asphyxie respiratoire ou l’euthanasie. Parfois, la forme suraiguë peut entrainer une mort en quelques heures.
Docteur Christophe LEBOEUF, vétérinaire-conseil GDS 50